Article publié par Me JP VERGAUWE dans le Journal de l'Architecte du mois de février 2009

Mission partielle

 

Principes

L’article 4 de la loi du 20 février 1939 impose le concours monopolistique de l’architecte pour l’établissement des plans (mission de conception) et le contrôle de l’exécution des travaux pour lesquels le législateur impose le recours à l’architecte.

Cette matière est régionalisée et à cet égard on prendra connaissance du récent Arrêté du 13 novembre 2008 du Gouvernement de la Région de Bruxelles Capitale déterminant les actes et travaux dispensés de permis d’urbanisme, de l’avis du fonctionnaire délégué, de la commune ou de la Commission Royale des Monuments et des Sites ou de l’intervention d’un architecte.

Il s’ensuit que la mission de l’architecte doit nécessairement être complète à un double point de vue :

  • quant aux travaux à réaliser : la mission doit en principe porter sur tous les travaux importants, à savoir certainement ceux qui concourent à la stabilité ou la solidité de l’édifice et sa pérennité et qui, comme tels sont susceptibles d’engager la responsabilité décennale des constructeur.
    Le concours de l’architecte me paraît également requis pour tous les travaux qui concourent de façon déterminante au confort et à l’habitabilité.
  • La mission confiée à l’architecte est également complète d’un point de vue chronologique, en ce sens que l’intervention de l’architecte est imposée tant pour la phase de conception que pour la phase d’exécution.
    La mission architectural doit en outre être effective et efficace ; ainsi l’architecte doit exercer un contrôle réel et vigilent (constaté par les P.V. de chantier, correspondances et détails d’exécution).

Application

Conforment aux principes rappelés ci-avant, l’architecte peut-il accepter une mission partielle limitée, par exemple, à la phase de conception et à l’obtention du permis d’urbanisme.

L’article 21 du règlement de déontologie répond à cette question :

« L’architecte ne peut accepter la mission d’élaborer un projet d’exécution sans être chargé simultanément du contrôle de l’exécution des travaux.

Il est dérogé à ce principe dans le cas où l’architecte à l’assurance qu’un autre architecte, inscrit à l’un des tableaux de l’Ordre ou sur une liste des stagiaires, est chargé du contrôle.

Dans cette éventualité il en informera l’autorité publique qui a délivré le permis de bâtir et son Conseil de l’Ordre en précisant le nom de l’architecte qui lui succède.

Il en sera de même si, ayant fourni un projet d’exécution, il est déchargé de la mission de contrôle par le maître de l’ouvrage ».

En principe le formulaire de demande de permis d’urbanisme doit renseigner l’architecte chargé de la mission complète.

Rappelons que si un architecte doit bel et bien assumer la mission complète, telle que définie ci-avant, aucune loi ou règlement n’impose que ce soit le même architecte qui remplisse l’intégralité de la mission ; dès lors, il est parfaitement licite de scinder la mission pour la confier à deux ou plusieurs architectes différents qui pourront, le cas échéant se succéder dans le temps.

Plusieurs hypothèses doivent être envisagées :

  1. les parties, maître de l’ouvrage et architecte, conviennent dès le début d’une mission architecturale qui sera exécutée par phases (chaque phase devant être préalablement commandée et confirmée par le maître de l’ouvrage) ; de même les parties peuvent convenir que l’architecte ne sera chargé que de la mission partielle de conception qui prendra fin à l’obtention du permis d’urbanisme.
    Dans ce cas, l’architecte devra le mentionner dans le formulaire visant à l’obtention du permis d’urbanisme et il devra, conformément à l’article 21, informer en outre son Conseil de l’Ordre.
    L’article 21 ajoute que l’architecte doit préciser le nom du confrère qui lui succède.
    Ceci évidemment n’est pas toujours possible dans la pratique.
  2. Quoique le contrat d’architecture confie à l’architecte une mission complète, ce dernier se voit décharger par le maître de l’ouvrage.
    Cette décharge peut être explicite ou tacite.
    Il arrive qu’un maître de l’ouvrage ayant obtenu son permis grâce à l’intervention de l’architecte décide, sans prévenir ce dernier, d’entamer et poursuivre les travaux sans recourir au concours de son architecte pour le contrôle de ses travaux.

Si la décharge et la résiliation anticipées de la convention d’architecte est explicite, l’architecte devra prévenir les autorités publiques, à savoir la commune et le Conseil de l’Ordre, conformément à l’article 21.

Il indiquera le nom de l’architecte qui lui succède pour autant, bien sûr, qu’il le connaisse.

Cette hypothèse est d’ailleurs expressément prévue par l’article 21 in fine du règlement de déontologie.

Par contre, si le maître de l’ouvrage entame les travaux à l’insu de son architecte, celui-ci se trouve dans une situation qui ne lui permet pas de facto de respecter le prescrit de l’article 21 du règlement de déontologie ; on ne peut dès lors que conseiller à l’architecte, qui reste sans nouvelle du projet, d’interroger le maître de l’ouvrage, de s’enquérir à la commune et en cas d’absence de réponse d’écrire spontanément à la commune et au Conseil de l’Ordre.

L’absence de recours obligatoire à l’architecte est sanctionnée pénalement conformément à l’article 10, alinéa 2 de la loi du 20 février 1939.

Mais en outre cette infraction est également punissable sur le plan civil ; en effet, en cas d’absence de l’architecte pour exercer le contrôle des travaux, la jurisprudence rend responsable le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur des conséquences des vices, manquements et malfaçons (cf. l’arrêt de la Cour d’appel de Liège, 20ème chambre, du 25 octobre 2002, JLMB 02/1077).

Cependant, la jurisprudence considère également que l’architecte peut être rendu responsable, ayant commis une faute en ne se préoccupant pas qu’un autre architecte soit chargé du contrôle des travaux.

Un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles, 1ère chambre, du 15 avril 2002, (JLMB 04/969), répartit la responsabilité à concurrence de 50% pour le maître de l’ouvrage et 50% entre l’architecte et l’entrepreneur.

 

Conclusion

L’architecte remplit une mission d’intérêt général et c’est la raison pour laquelle il doit assurer que la mission architecturale sera complètement remplie par un architecte inscrit au tableau.

Il peut certes accepter une mission partielle ou se voir décharger explicitement ou implicitement de la poursuite de sa mission architecturale, mais dans ce cas il doit respecter l’article 21 du règlement de déontologie et avertir dans les meilleurs délais, les autorités publiques ainsi que le Conseil de l’Ordre dont il relève.

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