Article publié par Jean-Pierre VERGAUWE dans la revue Architrave n° 218 de mai 2024

La loi du 28 avril 2022 portant le Livre 5 « Les obligations » du Code civil s’applique « aux actes juridiques et aux faits juridiques survenus après l’entrée en vigueur de la présente loi  » (article 64).

La même disposition stipule que :

« Sauf accord contraire des parties, elles ne s’appliquent pas et les règles antérieures demeurent applicables :

 1° aux effets futurs des actes juridiques et faits juridiques survenus avant l’entrée en vigueur de la présente loi,

 2° par dérogation de l’alinéa 1, aux actes juridiques et aux faits juridiques survenus après l’entrée en vigueur de la présente loi qui se rapportent à une obligation née d’un acte juridique ou d’un fait juridique survenu avant l’entrée en vigueur de la présente loi ».

Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2023.

Pour être clair, cela signifie que -sauf si les parties en décident autrement- les contrats d’architecture et d’entreprise qui ont été signés avant le 1er janvier 2023 continueront à sortir les effets contractuels et juridiques après le 1er janvier 2023 et seront donc soumis aux dispositions de l’ancien Code civil.

Il en va de même des actes ou faits juridiques survenus après le 1er janvier 2023 mais qui se rapportent à une obligation qui est née d’un acte ou d’un fait juridique survenu avant le 1er janvier 2023.

Les parties peuvent déroger à ces dispositions transitoires et prévoir, par exemple, qu’à partir du 1er janvier 2023 leurs relations contractuelles seront régies par les dispositions du nouveau Livre 5 – Les obligations.

Dans les prochaines chroniques je vous propose d’analyser et commenter certaines dispositions du nouveau Livre 5 comportant les obligations.

Je commencerai avec l’article 5.16 : « Devoirs d’informations » et l’article 5.17 : « Responsabilité précontractuelle ».

L’architecte est investi d’une mission légale de conception et de contrôle de l’exécution des travaux conformément à l’article 4 de la loi du 20 février 1939.

Cette disposition, rappelons-le, est d’ordre public de sorte que les parties ne peuvent y déroger.

A ces deux missions légales la doctrine et la jurisprudence ajoutent une troisième mission, à savoir l’obligation de conseil qui doit animer les prestations de l’architecte du début à la fin de la relation contractuelle et même au cours des négociations précontractuelles.

L’article 5.16 constitue une base légale qui permet de cerner le devoir de conseil : « Les parties se fournissent, pendant les négociations précontractuelles, les informations que la loi, la bonne foi et les usages leur imposent de donner, eu égard à la qualité des parties, à leurs attentes raisonnables et à l’objet du contrat ».

Le devoir de conseil est à géométrie variable et dépend donc d’une part de ce que la loi, la bonne foi ou les usages considèrent comme des informations indispensables à fournir à l’autre partie et d’autre part en tenant compte de la qualité de celles-ci, de leurs attentes raisonnables et de l’objet du contrat.

Cela signifie que l’architecte modalisera son devoir de conseil, notamment en fonction des compétences de son client et des attentes « raisonnables » à savoir en l’occurrence le projet architectural que le candidat maître de l’ouvrage se propose de faire réaliser en consultant un architecte.

Cette perspective rejoint également l’objet du contrat visé par l’article 5.16.

Le devoir de conseil a déjà fait l’objet de précédentes chroniques.

Il vise tous les aspects possibles d’une construction immobilière (technique, administratif, urbanistique, fiscal, etc…).

L’architecte pressenti s’informera, c’est-à-dire qu’il recueillera toutes les données nécessaires à l’établissement de l’avant-projet ou de l’étude de faisabilité et d’autre part il informera son client.

Le devoir d’information s’exerce dans les deux sens.

Quelle est la responsabilité de l’architecte à cet égard ?

L’article 5.17 « Responsabilité précontractuelle » dispose ceci : « Les parties peuvent engager leur responsabilité extracontractuelle l’une envers l’autre pendant les négociations précontractuelles ».

Le législateur énonce une responsabilité de nature précontractuelle ou extracontractuelle puisque lors des négociations, avant signature du contrat, les parties n’engagent pas de responsabilité contractuelle.

L’article 5.17 poursuit : « En cas de rupture fautive des négociations, cette responsabilité implique que la personne lésée soit remise dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée s’il n’y avait pas eu de négociations ».

Cette obligation pèse tant sur l’architecte que sur le candidat maître de l’ouvrage.

Si celui-ci, par exemple, décide unilatéralement et intempestivement de rompre toute discussion alors que l’architecte a fourni à sa demande des prestations importantes, l’architecte sera en droit de réclamer une indemnisation.

L’article 5.17 ajoute : « Lorsque la confiance légitime que le contrat serait sans aucun doute conclu a été suscitée, cette responsabilité peut impliquer la réparation de la perte des avantages nets attendus du contrat non conclu ».

Enfin : « Outre la responsabilité précontractuelle, la violation d’un devoir d’information peut conduire à la nullité du contrat s’il est satisfait aux exigences établies à l’article 5.33 ».

L’article 5.33 vise les vices de consentement ; il n’y a pas de consentement valable lorsqu’il est la conséquence d’une erreur, d’un dol, d’une violence ou d’un abus de circonstance pour autant que le vice de consentement soit déterminant.

L’article 5.33 stipule que : « Un contrat entaché par un vice de consentement est frappé de nullité relative sans préjudice de la responsabilité précontractuelle telle que visée à l’article 5.17 ».

Un contrat pourrait donc être frappé de nullité relative en cas de vice de consentement et en outre la responsabilité extracontractuelle résultant des négociations précontractuelles pourrait être engagée.

En conclusion la phase précontractuelle est capitale dans la relation entre l’architecte et son futur client.

On ne peut que recommander la signature d’un contrat de faisabilité préalable à l’engagement définitif par le contrat d’architecture.

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