Article publié par Jean-Pierre VERGAUWE et Typhaine WAVER dans la revue ARCHITRAVE n°189 de septembre 2016
 
 
En matière de construction, il est souvent fait référence aux normes NBN établies par le « Bureau de Normalisation » qui est l’organisme national belge responsable de la réalisation et publication des normes en Belgique.

Elles fournissent des prescriptions dans de nombreux domaines allant de la taille des garde-corps à la résistance au feu.

Il n’est cependant pas toujours aisé de déterminer si ces normes ont un caractère contraignant ou non.

Qu’en dit la législation ?

Conformément à l’article I.9 du Code de droit économique, la norme est une spécification technique, approuvée par un organisme reconnu de normalisation, pour application répétée ou continue, dont le respect n’est pas obligatoire.

L’article VIII, 1er, ajoute, à ce propos, que les normes constituent l’énoncé du savoir-faire applicable à un produit, un procédé ou un service donné au moment de leur adoption.
Le respect des normes s’effectue sur une base volontaire, à moins que leur respect soit imposé par une disposition légale, réglementaire ou contractuelle.

L’on déduit de ces dispositions qu’une norme n’est pas en soi obligatoire excepté lorsqu’un document légal ou réglementaire y renvoie ou lorsque les parties l’ont inséré dans les documents contractuels. Ainsi, si un maître de l’ouvrage fait expressément référence à une norme dans le cahier des charges, celle-ci devra nécessairement être respectée. Il s’agit de la manifestation du principe de convention-loi (article 1134 du Code civil).

Il est cependant important de relever que la simple mention d’une norme dans un arrêté royal portant homologation de normes belges élaborées par le Bureau de normalisation ne lui confrère pas un caractère obligatoire.

En effet, il s’agit simplement de l’aboutissement du processus d’adoption d’une norme homologuée préalablement établie par le Bureau de Normalisation.

La procédure débouchant sur l’homologation d’une norme se déroule comme suit : la norme est élaborée sous la forme d’un projet de norme soumis à enquête publique qui permet de contrôler sa conformité à l’intérêt général et de vérifier que le projet ne soulève aucune objection de nature à en empêcher la mise en application, elle est ensuite homologuée par le Roi et l’arrêté royal d’homologation est finalement publié au Moniteur belge (articles 17 – 21 de l’arrêté royal du 25 octobre 2004 aux modalités d’exécution des programmes de normalisation ainsi qu’à l’homologation ou l’enregistrement des normes).

L’homologation et la publication de l’arrêté royal d’homologation confèrent donc à la norme un caractère officiel mais ne sont pas de nature à la rendre contraignante.

L’on soulignera également que les normes et documents étrangers, européens ou internationaux sont eux soumis à une procédure d’enregistrement avant d’éventuellement être homologués.

Quoiqu’il en soit la norme est le reflet des règles de l’art…

Il a été précisé ci-avant que les normes constituent l’énoncé du savoir-faire applicable à un produit, un procédé ou un service donné au moment de leur adoption.

Même si cette norme n’a pas été rendue obligatoire par la volonté des parties ou par un document législatif ou réglementaire, il est généralement reconnu que les normes sont le reflet des règles de l’art que le professionnel de la construction est tenu de respecter lors de la conception ou la réalisation d’un ouvrage.

C’est ce qu’exprime la Cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 14 janvier 1993 : « qu’en effet une norme, dans le domaine de la construction, détermine, en fonction de l’état d’avancement des connaissances scientifiques à un moment donné, les exigences minimales admissibles à ce moment et auxquelles les professionnels de la construction doivent se conformer, à peine de méconnaitre les règles de l’art » (Cour d’appel de Bruxelles, 14 janvier 1993, Entr et dr., 1993, p. 136).

Par conséquent, le non-respect d’une norme, même non-obligatoire, peut engager la responsabilité du professionnel. R.O. Dalcq relève ainsi et à juste titre que « (…) la violation d’une norme non-obligatoire peut être retenue comme fautive dès lors que cette violation révèle un comportement qui n’aurait pas été celui du professionnel normalement prudent et avisé. La souplesse du critère, l’appréciation subjective qu’il impose au juge permet donc assurément  qu’il soit utilisé pour sanctionner le non-respect d’une norme même non-obligatoire comme révélateur d’un comportement professionnel différent de ce qu’aurait été celui du bon professionnel » (r.o. Dalcq, « Responsabilité quasi-délictuelle et normes techniques et professionnelles » in Le droit des normes professionnelles et techniques, Bruxelles, Bruylant, p. 463).

Il est ainsi fréquent que les juges se fondent sur les prescriptions d’une norme pour déterminer si un professionnel a agi de manière adéquate.

Au vu de ces constatations, il est donc conseillé à l’architecte de se conformer aux normes en vigueur quand bien même celles-ci ne revêtent pas un caractère obligatoire.