Article publié par Jean-Pierre VERGAUWE dans la revue ARCHITRAVE n° 186 de décembre 2015

 

Il arrive -malheureusement de plus en plus souvent- que le maître de l’ouvrage et l’architecte se trouvent confrontés à une déficience progressivement chronique de l’entrepreneur.

L’architecte procède au relevé des vices, manquements et autres malfaçons consignés dans les procès-verbaux de réunions de chantier.

Si ces remarques demeurent inopérantes, le maître de l’ouvrage adressera une mise en demeure.

Lorsque ces deux démarches restent sans effet, le maître de l’ouvrage peut actionner les mesures d’office.

Il arrive enfin que l’entrepreneur propose des réparations en nature.

C’est souvent le cas lorsqu’il se trouve acculé dans le cadre d’une procédure en justice et au cours de l’expertise judiciaire ; il préférera, en effet, exécuter lui-même les réparations plutôt que de se voir condamné à payer une indemnité correspondant au coût des remises en état (réparation par équivalent).

En principe la réparation en nature est de droit ; le débiteur est autorisé à proposer de réparer lui-même. Cependant dans certains cas le créancier (à savoir le maître de l’ouvrage) pourra refuser cette offre.

C’est ce que rappelle un arrêt de la Cour d’appel de Liège du 20 janvier 2014 (2012/RG/1847 qui peut être consulté sur le site de Juridat F-20140130-8).

En effet, face à l’opposition du maître de l’ouvrage d’accepter la réparation en nature, la Cour constate que l’offre d’exécution en nature ne peut être accueillie en l’espèce dès lors que l’entrepreneur ne présente pas les garanties suffisantes compte tenu de la dégradation du climat entre parties et du fait que l’entrepreneur, mis en face de ses manquements avant la citation introductive d’instance, n’a pu réaliser les corrections qui s’imposaient.

Le Tribunal statue en fonction des éléments de la cause qui lui sont soumis.

La perte de légitime confiance peut justifier le refus d’une réparation en nature.

C’est le cas notamment lorsque l’entrepreneur a été invité à plusieurs reprises à procéder aux réparations ou encore lorsqu’il s’est avéré qu’il était incapable de remédier efficacement à la situation.

Dans ce même arrêt la Cour d’appel confirme l’exception d’inexécution.

En effet, un contrat d’entreprise est un contrat dit synallagmatique, ce qui signifie qu’il comprend des obligations réciproques à respecter par les parties : l’entrepreneur doit exécuter l’ouvrage dans les règles de l’art et conformément au contrat. Son cocontractant, à savoir le maître de l’ouvrage doit payer les factures au fur et à mesure de l’exécution conforme des travaux et ne peut abusivement refuser leur réception.

Après avoir rappelé ces principes, la Cour ajoute : « le principe d’exécution de bonne foi des conventions n’oblige pas la partie qui invoque l’exception à en faire l’application en proportion avec le préjudice qu’elle subit effectivement. Pour être efficace comme mesure de contrainte, l’exception doit, en effet, nécessairement causer au débiteur défaillant un préjudice supérieur à celui qui résulte du manquement imputable à ce dernier.

 Si le Juge estime que l’usage de l’exception est abusif, il peut modérer les effets de la suspension des obligations en ramenant cette suspension dans la limite d’un usage normal ».

En d’autres termes, le maître de l’ouvrage pourra retenir le cas échéant des montants supérieurs au coût réel des réparations de façon à exercer sur l’entrepreneur débiteur un moyen de pression justifié en fonction des circonstances.

Il faut bien entendu utiliser cette arme avec précaution et proportionnalité.

 

 

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