Conférence du 3 décembre 2004 organisée par les associations d'architectes francophones de Belgique

Le barème et après

Conférence du 3 décembre 2004

Comment l’architecte devient une entreprise ?

Introduction

Le 24 juin 2004, la Commission a rendu sa décision concernant la procédure d’application de l’article 81 du Traité CE concernant le barème des honoraires adopté en 1967 par le Conseil National de l’Ordre des Architectes belges et mieux connu sous le nom de norme déontologique n° 2.

Après avoir entendu les arguments de l’Ordre, la Commission a confirmé que la norme déontologique n° 2 violait l’article 81 du Traité et a donc condamné l’Ordre d’une amende de € 100.000,00.

L’ordre a décidé de ne pas relever appel et ainsi de tourner la page.

Il faut se rappeler que le Conseil de l’Ordre avait déjà été poursuivi par le Conseil belge de la concurrence.

Le 7 novembre 2003, le Bureau du Conseil National avait décidé spontanément de supprimer avec effet immédiat toute référence au barème d’honoraires, et le 21 novembre 2003 le Conseil National retirait purement et simplement la norme déontologique n° 2 et abrogeait l’article 30, alinéa 2 du règlement de déontologie (cette disposition concernait la participation de l’architecte à un concours le mettant en concurrence avec d’autres architectes, lui interdisant toute participation à un appel d’offre public ou privé visant à mettre en concurrence les architectes sur le prix de leurs prestations).

La Commission confirme la jurisprudence bien établie selon laquelle toute profession libérale est considérée comme une entreprise et par conséquent tout Ordre professionnel est une association d’entreprise.

En tant que tels ils sont donc soumis aux règles qui régissent le droit de la concurrence.

Les principes fondamentaux du droit européen de la concurrence sont fondés sur les articles 81 et 82 du Traité ; l’objectif de celui-ci est de créer un vaste marché socio-économique gouverné par la liberté de circulation des personnes (des services), des biens et des capitaux.

Cela suppose notamment l’abolition de toute entrave qui empêche, restreint ou fausse la concurrence dans l’intérêt du consommateur,  mais aussi de l’entreprise car l’absence de concurrence diminue, voire supprime le dynamisme inhérent à toute activité professionnelle.

Il en résulte, notamment, qu’est interdite la fixation collective de prix, et notamment d’honoraires minima, fixes, maxima ou simplement indicatifs, c’est-à-dire l’établissement de barème de prix qui est considéré comme une des infractions les plus graves aux règles européennes de la concurrence.

Il en va de même des interdictions de publicité, des restrictions à l’offre de service, des entraves excessives à l’entrée dans une profession imposée par un Ordre et en particulier le numerus clausus.

Les limitations aux formes d’exercice de la profession sont également considérées comme néfastes.

Ainsi une interdiction globale de multidisciplinarité est considérée comme inacceptable.

Il n’est pas inintéressant de relever que dans son analyse de la structure de l’Ordre des Architectes belges, la Commission relève que de part sa composition notamment, « rien dans la législation n’empêche l’Ordre d’agir dans l’intérêt exclusif de la profession. Il en découle que les membres du Conseil National ne sauraient être qualifiés d’experts indépendants ».

Dans la mesure où l’Ordre des Architectes est composé exclusivement d’architectes, il ne peut échapper à la qualification d’association d’entreprise.

La Commission n’interdit pas à l’Ordre d’agir de façon appropriée en matière d’honoraires des architectes.

D’autres Ordres professionnels restent d’ailleurs actifs en la matière ; on citera, par exemple la récente action du Conseil de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles et son règlement du 10 février 2004 relatifs à l’information à fournir par l’avocat à ses clients en matière d’honoraires, de frais et de débours.

Ce règlement est suivi d’une recommandation du 10 février 2004 en matière de prévisibilité, d’information et de contractualisation des honoraires.

Ce qui est réprouvé c’est l’adoption d’un barème des honoraires minima, chiffré, détaillé et sans mécanisme de dérogation prévu, c’est-à-dire sans possibilité d’initiative pour le professionnel libéral.

En effet, l’idée fondamentale qui sous tend l’article 81 §1 du traité, est que le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché unique suppose notamment que chaque entreprise puisse fixer librement ses prix ou honoraires.

Cette liberté ne peut s’accommoder d’une action de l’Ordre en tant qu’association d’entreprise qui aurait pour objet ou pour effet de coordonner le comportement de ses membres sur le marché, a fortiori lorsque comme en l’espèce, l’architecte risquait de se voir infliger une peine disciplinaire lorsqu’il enfreignait l’article 12 du règlement de déontologie.

La Commission reconnaît d’autre part, que des prix recommandés ne constituent pas automatiquement et dans tous les cas une infraction à l’article 81.

Le critère décisif suivant la jurisprudence constante est que « la fixation d’un prix, même simplement indicatif ou recommandé, affecte le jeu de la concurrence par le fait qu’il permet à tous les participants de prévoir, avec un degré raisonnable de certitude, qu’elle sera la politique poursuivie par leur concurrent, surtout si aux dispositions relatives aux prix indicatifs est jointe la possibilité de contrôle et de sanction ».

C’est donc la prévisibilité quasi certaine de la politique des prix des concurrents qui empêche le jeu normal de la concurrence. Rien n’empêche qu’en cas de différend les questions relatives au niveau des honoraires puissent être posées aux organes de l’Ordre, soit par le maître de l’ouvrage, soit à la demande des cours et tribunaux, ou par les architectes praticiens eux-mêmes.

Ceci n’est pas considéré comme une pratique de nature à favoriser la création d’accords restrictifs de la concurrence.

Comme le rappelle la Commission « si un Ordre professionnel peut dans certaines circonstances légitimement se prononcer a posteriori sur le niveau des honoraires réclamés, il ne saurait a priori harmoniser le niveau des honoraires ». C’est donc cette intervention a priori qui empêche le libre jeu de la concurrence.

De même la diffusion d’indications facilitant pour les entreprises le calcul de leur propre structure de prix de revient, pour leur permettre d’établir de façon autonome leur prix de vente, est autorisée.

La Cour admet donc qu’un Ordre ou une organisation professionnelle puisse aider ses membres à calculer et maîtriser leur structure de prix de revient et à établir de façon autonome leur prix de vente à condition que cette aide à la gestion n’exerce pas d’influence directe ou indirecte sur le libre jeu de la concurrence à l’intérieur de la profession ; les entreprises doivent conserver leur liberté et leur devoir d’appréhender directement leur propre coût et de fixer individuellement leurs prix ou honoraires.

La Commission estime donc que l’établissement d’un barème recommandé d’honoraires ne peut être considéré comme nécessaire pour garantir le bon exercice de la profession d’architecte et que d’autres solutions sont possibles pour communiquer des informations relatives aux prix « ainsi l’application d’informations recueillies par des parties indépendantes, comme les organisations de consommateurs concernant les prix généralement appliqués, ou des informations basées sur un sondage, peuvent constituer une référence plus fiable pour les consommateurs et entraîner moins de distorsion pour la concurrence ».

Les sondages et statistiques en la matière sont donc parfaitement licites.


Le service d’architecture est une entreprise

 

La notion d’entreprise doit être bien comprise, on peut retenir la définition donnée par la Cour Européenne de Justice : « toute organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels, poursuivant d’une façon durable un but économique déterminé ».

 

      Entreprendre c’est d’abord rassembler et organiser des éléments personnels, matériels et immatériels qui vont façonner une entité unitaire.

          Il s’agit de créer son identité professionnelle à partir de ce que l’on est et des moyens que l’on se propose d’utiliser.

          Ce que l’on est, c’est-à-dire sa personnalité professionnelle, la carrière que l’on souhaite et qui permet de se forger une identité professionnelle.

          Les moyens sont de trois ordres :

 a.       Personnel, à savoir l’environnement humain :

Par exemple travailler seul ou en association, utiliser des collaborateurs, etc…                  

b.      Juridique

 Les instruments juridiques mis à la disposition de la profession sont essentiels à la saine pratique de celle-ci ; il y va notamment du contrat, de la définition des honoraires, de la publicité, de la multidisciplinarité, contrat d’association momentanée ou non, ou de société, contrat de collaboration, etc….

Le droit fiscal exerce également sur toute profession une influence considérable à la définition des orientations de l’entreprise, mais également comme incitant ou levier.

 c.       Moyen matériel

 L’implantation géographique du bureau, les moyens bureautiques et informatiques, etc.. 

 

      Entreprendre c’est ensuite définir ses objectifs économiques : à savoir un produit qui en l’occurrence est un service d’architecture.

          L’architecte doit apprendre à penser son projet comme un produit.

          Il doit également examiner les différents métiers d’architecture qui ne se réduisent évidemment pas à la définition qu’en donne l’article 4 de la loi du 20 février 1939, à savoir la réalisation des plans et le contrôle de l’exécution des travaux.

          Définir les objectifs économiques c’est également planifier l’activité de son entreprise.

          Toute société ou agent économique se fixe des objectifs à court, moyen et long terme.

 La croissance n’est pas le résultat de la nature, mais impose une intervention humaine prévisionnelle et concertée.

 

      Entreprendre, c’est enfin s’inscrire dans un marché.

 Analyser le marché que l’on souhaite pénétrer suppose que l’on connaisse le lieu de ce marché, les clients qui le fréquentent et les concurrents qui le pratiquent.

Par exemple, quel architecte se pose la question de savoir quels sont les besoins prévisibles à 5 ou 10 ans dans sa ville ou sa région en matière de logement, d’implantation professionnelle, commerciale, industrielle, etc…

Quelle est l’évolution du marché (par exemple les familles éclatées ou recomposées) ?

Quel est le rendement d’un investissement immobilier ?

Quels sont les concurrents et comment se comportent-ils sur le marché ?


L’entreprise est donc composée de trois paramètres : une identité professionnelle, un objectif et un marché donné.

Naturellement ces trois marchés s’influencent mutuellement.

En fonction de l’analyse du marché, l’architecte pourra décider de modifier, fût-ce temporairement, ses objectifs professionnels ou de les adapter.

Chaque professionnel, y compris les professions libérales, sont donc considérés comme des entreprises en ce sens qu’ils doivent se définir et définir leurs objectifs et moyens.

Il y va notamment des honoraires ; la décision de la Commission du 24 juin 2004 va clairement dans ce sens en invitant chaque professionnel libéral à fixer lui-même librement ses tarifs et barèmes.

Il est donc nécessaire de réfléchir ensemble sur les honoraires de l’architecte


 Les honoraires d’architecte

Les honoraires expriment la valeur économique d’un service professionnel en fonction d’un travail presté.

Trois éléments concourent donc à la définition d’honoraires :

      La valeur : elle est fonction d’une décision quant à la rémunération souhaitée.

      La mission : à savoir le résultat escompté.

      Le travail qui est fonction de certains paramètres reliés à la prestation et son contexte socio-économique.

Ceci peut être illustré dans le tableau annexé.

Les professions libérales et intellectuelles connaissent une crise de reconnaissance et de valorisation de leur travail ;  cela est particulièrement vrai pour l’architecte.

En particulier, ce dernier à de la difficulté à faire reconnaître la valeur de son travail architectural concernant les avants projets et les études, notamment de faisabilité lorsqu’elles ne sont pas suivies d’exécution.

Comme le fait remarquer Jacques GUETTARD, cité par Michel HUET, Droit de l’architecture p. 387, le propriétaire considère l’architecte comme « le marchand d’échantillons qui travaille à l’essai, sans engagement, si l’exécution des travaux n’a pas lieu ».

Ceci conduit à une première constatation, à savoir que pour faire mieux reconnaître ses honoraires, l’architecte devrait s’écarter d’un mode de rémunération essentiellement fondé sur l’exécution des travaux, et notamment par la méthode du pourcentage lié au coût des travaux.

Un système basé sur le temps presté s’avère plus juste.

1.       La méthodologie

Deux objectifs doivent être poursuivis lorsqu’il s’agit de calculer et de présenter les honoraires.

      Assurer le rendement de l’entreprise, c’est-à-dire la rémunération décente et la couverture des frais (notamment la rémunération décente des collaborateurs).

          Ceci suppose un calcul de rentabilité de l’entreprise.

          Par exemple, évaluer le temps de travail facturable, c’est-à-dire le temps global presté diminué du temps consacrer à la gestion de son bureau, à la formation, etc…

          Etablir la rentabilité globale de l’activité, moins les charges.

          Tenir compte de l’impact fiscal, etc….

      L’information du maître de l’ouvrage : cette obligation s’inscrit dans le cadre de la protection  générale du consommateur et vise à créer et maintenir une relation de confiance entre le praticien et son client.

          Cette information est caractérisée par la transparence et la prévisibilité.

          La transparence suppose que l’on ose parler des honoraires : il s’agit de rencontrer spontanément les inquiétudes du client, de l’informer sur la méthode choisie, de réduire l’incertitude qui pèse sur les questions d’argent.

          En particulier en ce qui concerne l’architecte, si celui-ci se montre d’emblée capable de parler avec franchise et clarté de ses honoraires, cela constituera un gage de crédibilité de ses compétences professionnelles, ce qui est particulièrement important pour l’architecte chargé de fixer le budget de l’opération de construction.

          Une bonne transparence réduit les possibilités de litige.

          Il importe donc d’informer le client sur la méthode retenue et ses modalités d’application en proposant les variantes possibles.

          La transparence suppose une méthodologie concernant :

 a.       la détermination de la manière dont les honoraires et frais seront calculés.

b.      La fixation des échéances, c’est-à-dire l’exigibilité des honoraires. 

 

      La prévisibilité du coût de l’intervention permet d’éviter les mauvaises surprises, tant pour le client (notamment les suppléments), que pour le praticien (notamment la sous-évaluation de ses honoraires).

          Il convient donc de réduire la marge d’incertitude, ce qui suppose un échange croisé d’informations précises et préalables : le client informe l’architecte de ses objectifs et moyens, l’architecte informe le maître de l’ouvrage sur les critères et paramètres qui définissent les prestations et frais compte tenu de l’objectif poursuivi.


2.             Manière de calculer les honoraires                                                                                         

 

1.             Définition des prestations en fonction de la mission commandée :

 

Les questions suivantes doivent être posées :

 

Que comporte la conception depuis les premières démarches (visite du terrain, démarches à la commune, relation avec les fabricants, les entrepreneurs, etc…) et que comporte également le contrôle des travaux et notamment le nombre prévisible de visites de chantier ?

 

Quels sont les aléas prévisibles : par exemple difficulté avec l’entrepreneur, faillite de l’entrepreneur, refus du permis d’urbanisme, modification du projet, etc… ?

 

Quel est le temps prévisible pour accomplir la mission ?

 

 

Il convient d’autre part de définir les frais et la façon de les répercuter sur un dossier ou un projet.

 

 

2.             Préciser les éléments susceptibles d’influencer les prestations

 

Quelle est la qualité des intervenants ?

 

Quelle est la nature du projet (catégorie de la construction) ?

 

Que comporte le budget ?

 

Quelle est la complexité, l’originalité et la créativité du projet ? Fait-il partie d’un patrimoine historique ? Est-ce une rénovation ou une construction neuve ?  etc….

 

Quel est le contexte de l’intervention ?

 

 

3.             Fixer le coût horaire de l’architecte et de ses collaborateurs

 

Le calcul doit être effectué en fonction de trois paramètres :

 

·        Le prix de revient,

·        Le prix de vente,

·        Et le bénéfice.

 

 

La recette n’est pas équivalente au bénéfice !

 

 

Le Conseil National des Architectes français donne une méthode de calcul qui peut être résumée comme suit :

 

     L’architecte détermine le niveau de revenus auquel il aspire.

 

      Il définit le taux de charge moyen (environ 65% du chiffre d’affaires : si l’architecte souhaite gagner, par exemple, € 1.400,00 nets par mois, son chiffre d’affaires devra être de € 4.000,00 hors taxes.

      Calculer le temps de travail mensuel moyen, par exemple 50 heures par semaine.

 

          Mais, si on s’aligne sur les 35 heures semaines, moins les périodes d’inactivités involontaires et les vacances qui représentent environ 12%, cela représente la formule suivante : 35 x 52 semaines x  88% = 133 heures par mois.

                                      12 mois

 

 

      Déterminer le pourcentage d’heures facturables en retirant les heures consacrées à l’administration, la prospection, la formation, la gestion, c’est-à-dire l’ensemble des heures non facturables qui en moyenne représentent 40% du temps consacré à la profession.

 

          Dès lors, seuls 60% sont facturables.

 

          Ce qui revient à :  133 heures par mois  x  60%  = 80 heures par mois environ.

 

          Le coût horaire s’élève donc à € 4.000,00 :  80  =  € 50,00 hors taxes par heure, auxquels il convient d’ajouter 10% pour couvrir les investissements, les aléas, les impayés.

 

          En l’hypothèse reprise ci-avant, d’un architecte qui souhaite gagner € 1.400,00 nets par mois, son prix de vente sera donc de € 55,00 par heure.

 

          Ce chiffre naturellement dépend du nombre d’heures prestées par semaine.

 

          Le coût horaire permet aussi d’évaluer le chiffre d’affaires, c’est-à-dire le montant du coût des travaux qu’un architecte doit prester par an en prenant, par exemple un taux d’honoraires de 6% (cf. FAUCONNIER Jean-Marie, Exposé donné lors du week-end de formation et l’assemblée générale de l’asbl Architectes Bâtisseurs à Ocquier le 23 avril 2004 concernant les méthodes de calcul des honoraires de l’architecte. Monsieur FAUCONNIER écrit : « Si l’honoraire total est de € 48.000,00, il représente à 6% du montant des travaux un chiffre d’affaires nécessaire de € 800.000,00 de constructions ou 32.000.000,-BEF ou 5 immeubles de € 160.000,00  ou 6.400.000,-BEF hors tva.

          Dans cette hypothèse le bénéfice égal € 0,00 »).

 

          Le coût horaire de l’architecte et de ses collaborateurs est donc fonction de la rémunération escomptée en tenant compte également de l’impact fiscal (la pratique en société permet à cet égard un meilleur contrôle et une meilleure répartition dans le temps, notamment par la pratique des réserves, des dividendes, des résultats reportés, etc…).

 

 

3.       Définition de la méthode retenue

 

Les honoraires peuvent être calculés suivant diverses méthodes qui chacune présente des avantages et des inconvénients et qui devra donc être privilégiée en fonction de la nature du projet des cocontractants.

a.              Méthode au forfait

 

Plusieurs types de forfaits peuvent être envisagés : Le pourcentage sur le coût de la construction ou sur le m² ou le m3 construit.

 

Dans sa décision du 24 juin 2004 la Commission critique indirectement cette méthode. La Commission, en effet, relève que la détermination des honoraires de l’architecte en rapport au coût des travaux de construction « crée un lien quelque peu artificiel entre les coûts des travaux de construction et les honoraires de l’architecte.

 

S’il est vrai que les coûts des travaux sont déterminants pour la prime d’assurance à payer par l’architecte, ils ne présentent pas d’autres liens directs avec les coûts de l’architecte, ni nécessairement avec la valeur ajoutée de son travail », cette critique doit être approuvée.

 

          Le forfait peut également représenter un montant fixé au résultat souhaité.

 

          Il peut également constituer un montant fixe forfaitaire.

 

 

          b.       Honoraires en régie

 

C’est-à-dire par prestations plus frais suivant un taux horaire convenu. Le taux horaire sera fixé en fonction du coût horaire et de la nature de l’affaire (son importance et sa complexité), du type de clientèle (par exemple le client est-il habituel ou non), de la compétence, de l’ancienneté et de la spécialité de l’architecte.

 

Aussi un coût horaire de base de € 55,00 de l’heure pourra être augmenté ou diminué en fonction des critères rappelés ci-avant.

 

Mais, la connaissance du coût horaire est indispensable pour apprécier la marge de négociations des honoraires (sauf à accepter un projet à perte parce qu’il représenterait un investissement commercial ou qu’il permettrait au minimum de couvrir les frais dans des périodes difficiles).

 

 

c.       La méthode de fixation des honoraires à l’acte

 

Celle-ci est pratiquée notamment par les médecins en général.

 

 

d.       La méthode par palier

 

Celle-ci indique le budget ou les prestations qui constituent le premier palier. Lorsque celui-ci est atteint l’architecte en informe le maître de l’ouvrage et s’abstient de toutes nouvelles prestations sans accord préalable de son client.

 

 

e.       La méthode mixte

 

Celle-ci combine l’une ou l’autre des méthodes rappelées ci-avant.

 

Il s’agit par exemple de définir, suivant un taux horaire proposé, un montant d’honoraires qui sera forfaitisé dans le cadre d’une enveloppe déterminée avec possibilité de fixer un minimum et / ou un maximum.

 

Cette enveloppe ne sera dépassée que dans des cas précis limitativement prévus au contrat (exemple modification ou supplément demandé par le maître de l’ouvrage, faillite de l’entrepreneur, etc…).

 

Une autre méthode mixte consiste à combiner le forfait avec un success fee ou ristourne.

 

Comme on  le constate la méthode au forfait donne priorité au résultat, tandis que la méthode en régie donne priorité au temps consacré.

 

 

Le forfait au pourcentage peut être une bonne méthode pour un projet de construction clairement défini à l’avance.

 

Le forfait au montant est possible lorsque les paramètres du service sont clairement établis, à savoir le temps nécessaire et les coûts engendrés par le projet.

 

La méthode en régie est conseillée lorsqu’il est impossible ou difficile d’estimer les paramètres.

 

Exemple : rénovation, étude de faisabilité, urgence de l’intervention, etc…

 

La méthode au forfait présente l’inconvénient de comporter toujours un élément d’imperfection et donc d’injustice pour l’une ou l’autre partie.

 

La relation de la prestation par rapport au temps réellement presté ne peut être définie par rapport au coût de la construction ou du m², mais en fonction d’autres paramètres.

 

D’autre part, la méthode au forfait, notamment le pourcentage, induit des questions embarrassantes dans l’esprit du maître de l’ouvrage : pourquoi l’architecte touche-t-il des honoraires sur les ouvrages en béton, sur la cuisine équipée, sur les éléments de décoration ?

 

D’autre part, la négociation des honoraires à partir d’un pourcentage sur le coût des travaux autorise le client à douter de la fiabilité et de la rationalité de cette méthode.  

 

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4.       Déterminer l’exigibilité

 

Il est extrêmement important de définir les moments ou étapes auxquels les honoraires divisés en tranches pourront être réclamés et deviendront exigibles.

 

Lorsque l’architecte est investi d’une mission complète, il convient de préserver un équilibre entre les missions de conception et de contrôle.

 

 

5.       Quant faut-il informer le client concernant les honoraires ?

 

L’information doit être donnée le plus tôt possible ; dès la première visite le client doit connaître, à tout le moins, les différentes méthodes qui pourraient être envisagées concernant le projet.

 

Il convient de laisser au client un temps de réflexion.

 

L’information doit être confirmée par écrit, notamment pour se ménager la preuve de cette information.

 

 

 

6.       Règlement des différends et litiges concernant les honoraires

 

Diverses possibilités s’ouvrent aux parties pour régler leurs différends : la conciliation, la médiation, l’arbitrage ou le recours aux tribunaux sans oublier l’avis du Conseil de l’Ordre des Architectes.

 

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En guise de conclusion : l’enseignement de la jurisprudence communautaire.

 

La récente décision de la Commission concernant la norme déontologique n° 2 a confirmé que le métier de l’architecte, comme toute profession libérale est bel et bien une entreprise.

 

Michel HUET, droit de l’architecture, cite RENZO PIANO : « Un atelier d’architecte doit fonctionner comme une entreprise » (p. 418), sans nécessairement verser dans la commercialité, il faut bine reconnaître qu’aujourd’hui l’architecture se vend, comme toute création culturelle ; en outre, l’architecture fait vendre comme l’ont compris depuis longtemps les promoteurs immobiliers.

 

Michel HUET, op. cit., rappelle l’initiative de l’UNSFA, syndicat français des architectes qui « encourage la formation d’architectes pour être eux-mêmes promoteurs, agents immobiliers, marchands de biens, en passant des accords cadres tels ceux avec les Maisons Terre de France, pour la construction de maisons individuelles, et en étant à l’initiative des Architectes Bâtisseurs devenus architecteurs ».

 

L’auteur ajoute :

 

« Le défi lancé sous forme de provocation est d’envergure :

 

·        L’architecte est-il condamné à être un marginal de l’économie ?

 

Ayant constaté :

 

·        Que les architectes n’interviennent que pour 30% environ de la construction dans son ensemble ;

·        Que de nombreuses professions ont évolué en élargissant leur domaine d’activité ;

·        Que l’ingénierie financière est presque toujours absente de la présentation des projets ;

 

La résolution est prise. Les architectes doivent :

 

·        Tirer parti de leur position privilégiée ;

·        Elargir leur champ d’activité ;

·        Etre les initiateurs d’opérations immobilières ;

·        Obtenir une juste rémunération de leurs investissements en étude et ainsi reprendre l’initiative et s’affirmer davantage dans l’immobilier et la construction » (p. 418).

 

 

Les tarifs et les barèmes sont interdits en ce que, fixés à l’avance par une association d’entreprise comme l’Ordre des Architectes, ils portent atteinte à la libre concurrence.

L’initiative personnelle et la libre fixation des honoraires par chaque praticien sont donc mises en évidence.

Ceci s’accompagne d’une plus grande liberté en ce qui concerne d’autres instruments de la pratique professionnelle, tels que la publicité, la multidisciplinarité, etc…

Cependant, rien n’empêche un architecte individuellement ou un maître de l’ouvrage public ou privé d’imposer son barème ou son tarif, même en se référant purement et simplement à la norme déontologique n° 2.

La jurisprudence communautaire laisse sans réponse les questions de concurrence déloyale ou de dumping qui peuvent sévir entre architecte concernant les honoraires.

Les architectes disposent-ils d’une protection à cet égard ?  Où pourront-ils porter plainte ?

Quel est le contrôle résiduaire ou a posteriori de l’Ordre des Architectes ?

Comme le rappelle Jean-Marie FAUCONNIER (op. cit.) « Qu’en est-il de la concurrence déloyale, celle a laquelle on est confronté lorsque le concurrent triche … ou détourne un client par un rabais insidieux ? Où les architectes pourront-ils porter plainte en cas de dommage pour l’usage de prix anormal bas par un concurrent ?  Qui jugera d’un tel abus et sur quelle normalité se basera-t-on pour apprécier la valeur des prestations ? ».

La Commission confirme dans sa décision du 24 juin 2004 que l’Ordre peut continuer mais d’une autre manière à aider les praticiens pour que ceux-ci fixent eux-mêmes des honoraires décents ; l’Ordre peut par exemple éclairer ses membres par des enquêtes et des statistiques qui révèlent le coût moyen des charges, les honoraires demandés par l’ensemble des praticiens pour les prestations ou à l’heure, etc…

D’autre part, l’Ordre conserve évidemment un pouvoir disciplinaire exercé a posteriori lorsqu’il apparaîtrait qu’un architecte demanderait des honoraires à ce point bas qu’ils ne lui permettraient pas normalement de couvrir à tout le moins ses charges ou de payer décemment ses collaborateurs.

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