Article publié par Jean-Pierre VERGAUWE dans la revue Architrave n° 204 de septembre 2020.

Sans bien toujours s’en rendre compte, l’architecte est concerné par la loi Breyne particulièrement dans le cadre des opérations de réception des travaux.

La loi Breyne s’applique tant à la promotion immobilière qu’à l’entreprise générale.

J’examinerai dans cet article l’intervention de l’architecte appelé à participer aux opérations de réception des travaux en rappelant quelques principes et règles d’application.

1.

La loi Breyne impose 2 réceptions : provisoire et définitive.

Cette dernière est bien souvent « oubliée ».

La réception doit répondre à certaines conditions minimales définies à l’article 2 de l’Arrêté Royal du 21 octobre 1971 portant exécution de la loi Breyne.

Seul un acte écrit et contradictoire des parties fait la preuve de la réception des ouvrages, tant provisoire que définitive. Cependant « et sauf preuve contraire, l’acheteur ou le maître de l’ouvrage qui occupe ou qui utilise le bien ou les parties transformées ou agrandies de celui-ci est présumé en accepter tacitement la réception provisoire » (article 2 §2).

De même, l’acheteur ou le maître de l’ouvrage est présumé agréer les travaux provisoirement ou définitivement selon le cas s’il a laissé sans suite la requête écrite du vendeur ou de l’entrepreneur d’effectuer les réfections à une date déterminée et si dans les 15 jours qui suivent la sommation que le vendeur ou l’entrepreneur lui aura faite par exploit d’huissier il a omis de comparaitre à la date fixée dans cet exploit aux fins de réception.

Cette disposition ne s’applique pas à la réception des parties communes d’un immeuble.

2.

Pour rappel la réception est un acte juridique passé entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur.

L’architecte y participe non comme partie mais comme conseil de son client maître de l’ouvrage.

Cependant l’architecte a évidemment un intérêt majeur à cette réception dans la mesure où elle met fin à ses obligations contractuelles sous réserve de l’assistance au maître de l’ouvrage jusqu’à la réception définitive et qu’elle constitue le point de départ de sa responsabilité décennale (pour autant que cela ait été expressément indiqué dans le contrat de l’architecte).

3.

En cas de travaux exécutés par entreprise générale la réception constitue l’ultime possibilité pour le maître de l’ouvrage d’invoquer à son profit les dispositions protectrices que lui confère la loi Breyne ainsi que les sanctions qui s’y attachent (article 13 de la loi du 9 juillet 1971).

Quoique n’étant pas juriste, l’architecte se doit d’informer et de conseiller son client.

A ce titre il vérifiera soigneusement si l’entrepreneur général a respecté la loi Breyne et l’Arrêté Royal d’exécution en rappelant notamment que :

a. Le transfert des risques s’opère à la réception provisoire des travaux ou lorsqu’il s’agit d’un appartement avant la réception provisoire des parties privatives.

b. Le contrat d’entreprise doit contenir les mentions obligatoires définies à l’article 7 de la loi (notamment les dommages intérêts pour retards d’exécution ou de livraison qui doivent correspondre au moins à un loyer normal, ainsi que la constitution par l’entrepreneur soit d’un cautionnement, soit d’une garantie bancaire).

4.

En cas de promotion immobilière l’architecte du promoteur doit se garder de devenir l’architecte de l’acquéreur, client du promoteur.

Il doit se confiner dans son rôle d’architecte auteur de projet et contrôleur des travaux investi de ces missions par le promoteur exclusivement.

L’article 19 du règlement de déontologie prescrit à l’architecte dont le client maître de l’ouvrage est promoteur de veiller aux intérêts de son client dans les limites de la sauvegarde de l’intérêt public et des intérêts légitimes des utilisateurs ou des futurs acquéreurs.

C’est pourquoi il est conseillé à l’architecte de promouvoir une réception des travaux avec le ou les entrepreneurs et le promoteur sans les acquéreurs avec lesquels le promoteur organisera ensuite la réception des ouvrages.

Cette réception peut du reste intervenir plus tard en fonction des ventes.

L’architecte a donc tout intérêt à ne pas retarder sa réception.

D’autre part les engagements du promoteur à l’égard des acquéreurs ne se confondent pas nécessairement avec les obligations de l’architecte.

Ce dernier pourra du reste opposer aux acquéreurs tous les moyens qu’il peut faire valoir à l’égard du promoteur, notamment la qualité de maître de l’ouvrage professionnel de ce dernier.

Enfin, la réception entre le promoteur et les acquéreurs comporte des points qui n’intéressent pas directement l’architecte, notamment les décomptes entre le promoteur et les acquéreurs.

Rappelons qu’il est vivement conseillé aux acquéreurs de se faire assister d’un architecte expert de leur choix.

Cet architecte bien entendu ne se substitue pas à l’architecte du promoteur.

Il arrive cependant que l’acquéreur consulte un architecte pour faire effectuer des travaux complémentaires et / ou modificatifs, dans ce cas le partage de missions et de responsabilités doit être précisé.

Il en va de même en cas d’intervention d’un architecte d’intérieur ou d’un décorateur.

5.

En cas d’immeuble à appartements, les réceptions provisoires et définitives seront effectuées tant pour les parties communes que privatives.

L’article 9 de la loi Breyne impose que la réception définitive de l’ouvrage ne puisse avoir lieu qu’après que se soit écoulé un an depuis la réception provisoire et pour autant qu’il ait déjà été procédé à la réception définitive des parties communes y compris les accès de sorte qu’une habitabilité normale soit assurée.

a. L’architecte expert consulté par les copropriétaires pour les opérations de réception veillera d’abord à faire préciser son intervention, soit pour les parties communes exclusivement à la demande du syndic ou éventuellement du conseil de copropriété, soit également pour les parties privatives mais alors à la demande expresse des copropriétaires concernés.

b. Comme rappelé ci-avant l’architecte examinera soigneusement si les dispositions de la loi Breyne et de l’Arrêté Royal du 21 octobre 1971 ont été respectés.

En outre l’architecte examinera attentivement l’acte de base et le règlement de copropriété qui contient des informations indispensables à l’accomplissement de sa mission et notamment la définition des parties communes et privatives.

Il examinera bien entendu tous les documents contractuels (plans, cahier des charges, détails d’exécution et si possible le cas échéant les PV de chantier et états d’avancement) qui pourront lui apporter des informations très utiles.

L’article 7 de la loi Breyne impose que les conventions comportent notamment en annexe « les plans précis et cahiers des charges détaillés des travaux sur lesquels porte la convention. Ces documents indiquent explicitement la manière dont et le matériel avec lesquels ces travaux seront exécutés et le cas échéant, les cas dans lesquels il peut être dérogé à ces spécifications. Ces plans et cahiers des charges doivent être signés par un architecte autorisé à exercer cette profession en Belgique et, lorsqu’il s’agit d’un appartement, accompagnés d’une copie de l’acte de base établi par acte authentique et du règlement de copropriété ».

Il n’est pas rare que le promoteur exerce une certaine réticence à la communication de ces documents se contentant de communiquer un cahier des charges promotionnel qui est loin de comporter toutes les spécifications et précisions concernant la construction et les matériaux mis en œuvre.

L’architecte se fera également remettre les documents promotionnels (publicités, folders, etc…) qui révèlent le degré de standing de l’immeuble ; la jurisprudence considère, à raison, que ces documents et promesses entrent dans le champ contractuel et précisent les obligations du promoteur.

c. Les réceptions des parties communes ont une incidence sur les parties privatives ; l’architecte le mentionnera et conseillera les réserves nécessaires pour garantir le droit individuel des copropriétaires que ceux-ci feront valoir dans le cadre de la réception de leurs parties privatives.

d. En ce qui concerne les décomptes et notamment l’application des éventuelles indemnités pour retard, ceux-ci sont en principe établis au cours des réceptions des parties privatives par les copropriétaires et le promoteur.

e. L’architecte consignera les travaux de terminaison et de réparation en précisant le délai d’exécution de ces travaux et l’application d’une pénalité de retard, ce qui est très souvent omis.

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