Article de Me JP VERGAUWE publié dans le Journal de l’Architecte du mois de décembre 2008

 

Un architecte décide avec son client de procéder à un débardage définitif d’un mur ancien et de restaurer la façade ancienne à l’état nu.

Un arrêt de la Cour d’Appel de Liège du 13 mai 2008 rappelle qu’il appartient à l’architecte d’examiner préalablement la faisabilité d’un travail assurant une protection satisfaisante de l’immeuble contre la pluie, et, ensuite, de rédiger un cahier des charges déterminant toutes les conditions nécessaires à la réalisation d’une entreprise satisfaisant à l’usage prévu.

La Cour d’Appel stigmatise la faute de l’architecte qui s’est abstenu de rédiger un cahier des charges de l’entreprise et reproche, en outre, à l’architecte de ne pas avoir vérifié les composantes techniques de l’offre de l’entrepreneur et son adéquation au résultat à obtenir.

La Cour d’Appel rappelle que l’architecte est détenteur d’un titre protégé et qu’il exerce une profession dont l’intervention est imposée au maître de l’ouvrage.

Dès lors, l’architecte ne peut ni se décharger, ni déléguer à un non-architecte l’exécution de ses obligations légales, déontologiques et contractuelles.

Il ne peut déléguer à un entrepreneur, fut-il très spécialisé, la tâche qui lui incombe de concevoir, de décrire les travaux à exécuter et de contrôler l’exécution par cet entrepreneur.

L’arrêt précité admet cependant que les seules délégations que puissent faire un architecte susceptible de dégager sa responsabilité, sont des délégations à des « sapiteurs », détenteurs de titres universitaire supérieurs, tels des ingénieurs détenteurs d’une connaissance scientifique aux fins d’analyser des faisabilités ou de déterminer des conditions de stabilité et d’en rendre rapport à l’architecte et/ou au maître de l’ouvrage.

Cet arrêt du 13 mai 2008 s’inscrit dans l’enseignement, déjà ancien, de la Cour de Cassation suivant son arrêt du 3 mars 1978 qui autorise la délégation de missions et de responsabilités de l’architecte vers des spécialistes, mais à des conditions strictes à savoir :

  1. Les questions faisant l’objet de la délégation doivent échapper à la connaissance et aux compétences normales de l’architecte, celui conserve donc une responsabilité entière pour toutes les matières qu’il est en mesure de maîtriser ;
  2. Le spécialiste ou bureau d’études consulté doit être notoirement compétent ;
  3. L’architecte conserve le rôle de coordination et de pilotage. A ce titre, il doit notamment veiller à l’intégration harmonieuse de l’intervention des bureaux d’études dans l’ensemble du projet architectural ;
  4. L’architecte conserve une responsabilité résiduaire pour toutes les matières qui ne sont pas formellement déléguées.

En ce qui concerne l’entrepreneur, l’arrêt de la Cour d’Appel de Liège du 13 mai 2008 peut sembler sévère en ce qu’il estime que l’architecte ne peut déléguer à un entrepreneur « fut-il très spécialisé » la tâche qu’il lui incombe de concevoir, de décrire des travaux exécutés et de contrôler l’exécution des travaux.

Cette décision me paraît contraire à la jurisprudence, pourtant ancienne et bien établie, qui reconnaît la prééminence de la spécialité d’un entrepreneur réputé spécialiste dans son domaine sur les connaissances générales de l’architecte.

D’autre part, l’évolution des techniques et des modes de construction recommande, voire impose une collaboration de plus en plus étroite entre l’architecte et les entrepreneurs spécialistes.

L’arrêt du 13 mai 2008 de la Cour d’Appel de Liège impose en tout cas une prudence renforcée lorsque l’architecte décide de déléguer une partie de sa mission et de ses responsabilités.