Article publié dans la revue tu bâtis je rénove de septembre 2011 - n° 272
Il arrive qu’en cours d’exécution des travaux, le maître de l’ouvrage et son entrepreneur ne s’entendent plus et que la relation contractuelle s’avère définitivement compromise.
Dans ce cas, il faut aménager la rupture.
En général, celle-ci est provoquée par la faute d’une des parties ; nous retiendrons ici l’hypothèse – la plus fréquente – d’une faute commise par l’entrepreneur : soit que les travaux sont entachés de vices graves soit qu’ils ne sont pas exécutés dans les délais convenus.
Comment réagir ?
Le maître de l’ouvrage commencera, bien entendu, par adresser une mise en demeure avec l’aide de son architecte qui confirmera la situation dénoncée.
Si cette mise en demeure reste sans réaction de l’entrepreneur, il faut envisager la résiliation.
En principe, celle-ci ne peut intervenir qu’à la suite d’un accord des parties (résiliation amiable) et, à défaut, elle sera prononcée par le Juge (résiliation judiciaire).
Mais s’il faut attendre une décision du Juge, cela peut prendre beaucoup de temps alors que le chantier reste entre-temps paralysé.
Dès lors, le maître de l’ouvrage peut mettre en mouvement la procédure suivante :
- écrire à l’entrepreneur par recommandé pour lui rappeler la mise en demeure laissée sans suite et lui faire savoir qu’à défaut d’y satisfaire dans un dernier délai raisonnable, le contrat d’entreprise sera résilié à ses torts.
Il faut, en effet, permettre au débiteur de remplir ses obligations dans un certain délai.
- à l’expiration de ce délai, inviter l’entrepreneur a dresser un constat contradictoire de la situation du chantier qui reprendra les travaux exécutés, les vices, les manquements, etc.
Si l’entrepreneur persiste à ne pas réagir, le constat peut être établi par l’architecte et communiqué à l’entrepreneur.
- adresser à l’entrepreneur le constat des travaux et lui notifier – par recommandé – l’intention de mettre un terme au contrat.
En même temps, le maître de l’ouvrage fera procéder aux « mesures d’office », c’est-à-dire au remplacement de l’entrepreneur défaillant.
Dans ce cas, le maître de l’ouvrage signera une nouvelle convention d’entreprise avec un autre entrepreneur pour terminer les travaux et réparer les vices.
Il est très important de noter qu’à chaque étape, l’entrepreneur défaillant doit être prévenu et informé pour respecter ses droits et, en particulier, il doit être prévenu qu’il sera remplacé.
En principe la faculté de remplacement est soumise à l’autorisation préalable du Juge (article 1144 du Code Civil).
Mais – une fois encore – les exigences de rapidité et d’efficacité en cas de défaillance de l’entrepreneur justifient que le maître de l’ouvrage procède au remplacement de l’entrepreneur sans être couvert par une autorisation préalable du Juge ; cependant, il prend cette décision à ses risques et périls.
Trois conditions doivent être réunies pour procéder aux mesures d’office :
- un manquement grave de l’entrepreneur
- l’urgence d’une solution rapide
- le respect des droits de la défense de l’entrepreneur, notamment par un constat si possible contradictoire de la situation, une mise en demeure et l’octroi d’un délai raisonnable pour permettre l’exécution des ses obligations par l’entrepreneur.
4. le maître de l’ouvrage adressera également le décompte en prenant en considération les travaux exécutés, les paiements effectués, le coût des remèdes et les amendes de retard.
Si le maître de l’ouvrage se rend compte que l’entrepreneur montre des signes évidents et persistants de défaillance, il veillera, sur le conseil de son architecte, à ne payer strictement que les travaux exécutés. Il s’abstiendra de verser quelque avance ou acompte que se soit et qui, en cas de faillite, seront perdus.
Attention : la Cour d’Appel de Liège a décidé qu’une résiliation unilatérale opérée par une des parties reste soumise à l’appréciation du Juge ; si elle est contestée par l’autre partie, « le juge du fond apprécie souverainement si les griefs invoqués sont suffisamment graves pour entraîner la résolution judiciaire du contrat ».
Le Juge peut donc ratifier ou désavouer la décision de résolution du contrat.
Pour prononcer la résiliation judiciaire, le Juge vérifie si les conditions suivantes sont remplies.
- le débiteur défaillant doit être responsable de manquements contractuels suffisamment graves pour justifier la résolution.
- le Juge vérifie s’il est encore utile d’accorder un dernier délai au débiteur, notamment en considération de l’urgence ou de l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour restreindre le dommage ou lorsque la confiance nécessaire entre les parties a disparu ou que l’exécution du contrat est devenue impossible.
- le créancier doit adresser à son débiteur une mise en demeure par laquelle il lui communique clairement sa décision de résoudre le contrat, en précisant le motif de la résolution.
Rappelons que l’article 1794 du Code Civil permet au maître de l’ouvrage de résilier le contrat avec l’entrepreneur (ou avec l’architecte) en tout temps et sans motif, mais dans cas, il devra payer une indemnité, c’est-à-dire qu’il devra dédommager l’entrepreneur ou l’architecte « de toutes ses dépenses, de tous ses travaux et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise » (article 1794 du Code Civil).
L’indemnité est variable et le Juge la fixera en fonction des circonstances et du manque à gagner de l’entrepreneur.
Enfin, il y a des circonstances (cas de force majeure) dans lesquelles la poursuite de la relation contractuelle est devenue impossible.
L’article 1795 cite le cas du décès de l’entrepreneur ou de l’architecte.
On parlera d’impossibilité d’exécution ; on peut assimiler au décès d’autres cas de force majeure tels que la maladie grave.
La faillite de l’entrepreneur ne met pas fin automatiquement au contrat ; en effet, la poursuite des activités peut être décidée par le curateur, sauf si le contrat d’entreprise prévoit que la faillite met fin au contrat de plein droit.
Conclusion : en principe, la rupture de la relation contractuelle entre le maître de l’ouvrage d’une part, son entrepreneur ou son architecte d’autre part, doit être prononcée par le Juge.
Cependant, dans la plupart des cas, le maître de l’ouvrage n’attendra pas une telle décision qui pourrait prendre plusieurs mois, voire plusieurs années et être précédée par une expertise judiciaire.
Le maître de l’ouvrage ne pourra, en effet, souffrir que son chantier reste paralysé aussi longtemps.
C’est la raison pour laquelle il pourra décider de mettre fin unilatéralement au contrat et de procéder au remplacement de l’entrepreneur défaillant.
Cette procédure, toutefois, doit être accompagnée de multiples précautions et soumise à des conditions strictes. Le conseil d’un avocat sera très utile.