COLLOQUE DU 23 MAI 2014 -  CHAMBRE FRANCOPHONE DES GEOMETRES EXPERTS DE LA CRGE

 

INTRODUCTION 

La loi du 18 juillet 2013 relative à l’exercice par une personne morale de la profession de géomètre-expert, modifie la loi du 11 mai 2003 protégeant le titre de la profession de géomètre-expert.

Elle permet dorénavant aux personnes morales qui répondent aux conditions définies par la loi d’exercer en tant que telle la profession de géomètre-expert et d’être inscrite au Tableau des titulaires de la profession de géomètre-expert.

Cette loi est plus ou moins un copié-collé de la loi du 15 février 2006 relative à l’exercice de la profession d’architecte dans le cadre d’une personne morale et qui modifia la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte.

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  1. AVANTAGES DE LA LOI DU 18 JUILLET 2013

Madame Sabine LARUELLE, Ministre Fédérale des PME et des Indépendants, justifie ainsi l’intérêt de cette nouvelle loi :

« Une activité indépendante en tant que personne physique implique des risques financiers tant pour l’indépendant que pour sa famille.

Jusqu’à présent les géomètres-experts qui constituent une société peuvent exercer leur profession en tant qu’administrateur délégué ou gérant, mais ils gardent l’entière responsabilité personnelle liée à leur profession. 

Dès que le Parlement aura voté le projet de loi, la responsabilité personnelle du géomètre-expert pourra être limitée. 

En outre, l’exercice de la profession sous forme de société facilitera le transfert de la clientèle à la fin de la carrière. 

Grâce à ce projet de loi, le patrimoine privé et familial des géomètres-experts est désormais mieux protégé contre les risques de l’entreprise. 

C’est une nouvelle étape dans la professionnalisation de la profession ».

 

Parmi les avantages que procure la loi du 18 juillet 2013 aux géomètres-experts immobiliers on retiendra notamment :

a. la limitation de la responsabilité personnelle du géomètre-expert, personne physique, et la protection de son patrimoine personnel ;

b. une meilleure protection de la clientèle ;

c. la professionnalisation, à savoir une meilleure structure offrant divers avantages et notamment le transfert de clientèle en fin de carrière ;

d. le partage des activités professionnelles en permettant la spécialisation des apports et des compétences au sein d’une même structure ;

e. une plus grande flexibilité ;

f. une économie des coûts et notamment le partage des frais ;

g. une meilleure surface financière et une meilleure organisation comptable et fiscale ;

h. une meilleure présentation, notamment sur le marché du travail ;

i. une meilleure gestion de la clientèle, notamment par la valorisation du goodwill et le transfert de la clientèle, ainsi que la fidélisation qui permet une pérennité de l’activité ;

j. les avantages fiscaux et parafiscaux ;

k. etc ….

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2.  MECANISME LEGAL

Jusqu’à présent les géomètres-experts pouvaient, certes, constituer entre eux une société dotée de la personnalité juridique, mais celle-ci n’était pas comme telle inscrite au Tableau ; elle était en outre transparente en ce qui concerne la responsabilité du géomètre-expert.

La loi permet dorénavant à une société, personne morale, d’exercer comme telle la profession de géomètre-expert ; elle devient ainsi la cocontractante directe du client.

Elle sera seule responsable, à la décharge de ses membres personnes physiques et mandataires sociaux, en ce qu’elle absorbe cette responsabilité et protège ainsi le patrimoine de ses membres.

Cependant, il existe une contrepartie à ces avantages.

En effet, la personne morale qui souhaite exercer la profession de géomètre-expert doit répondre aux conditions légales suivantes (article 3, §2 de la loi du 18 juillet 2013) :

1°      Tous les gérants, administrateurs, membres du Comité de Direction et de façon plus générale les mandataires indépendants qui interviennent au nom et pour le compte de la personne morale, sont des personnes physiques autorisées à exercer la profession de géomètre.

2°      Son objet et son activité doivent être limités à la prestation de services relevant de l’exercice de la profession de géomètre-expert et ne peuvent pas être incompatibles avec celle-ci.

3°      Si elle est constituée sous la forme d’une société anonyme ou d’une société en commandite par actions, ses actions doivent être nominatives.

4°      Au moins 60% des parts ou actions, ainsi que des droits de vote doivent être détenus, directement ou indirectement, par des personnes physiques autorisées à exercer la profession de géomètre-expert ; toutes les autres parts ou actions peuvent uniquement être détenues par des personnes physiques ou morales qui exercent une profession qui ne soit pas incompatible avec l’exercice de la profession et qui sont signalées à la Chambre compétente du Conseil Fédéral des Géomètres-Experts.

5°      La personne morale ne peut détenir de participations dans d’autres sociétés ou personnes morales que lorsque l’objet social et les activités de ces sociétés ne sont pas incompatibles avec l’exercice de la profession de géomètre-expert.

6°      La personne morale est inscrite au Tableau des titulaires de la profession de géomètre-expert.

On relèvera que la détention indirecte « des parts » permet à un géomètre personne physique de détenir des parts dans une société de géomètres-experts qui elle-même peut créer une nouvelle société de géomètres-experts.

Ceci permet donc la détention d’une société de géomètres-experts par une autre société puisque rien n’oblige la détention minimum par une personne physique.

Inversement, une société de géomètres-expert peut détenir des parts dans une autre société dont l’objet social n’est pas incompatible ; on se réfère notamment aux sociétés multi- professionnelles.

En d’autres termes, il est possible de constituer une société de géomètres-experts dont aucun associé ou actionnaire ne serait une personne physique.

D’autre part la loi impose une obligation d’assurance : toute personne physique et / ou morale autorisée à exercer la profession de géomètre-expert conformément à la loi et dont la responsabilité peut être engagée en raison des actes qu’elle accomplit à titre professionnel ou des actes de ses préposés doit être couverte par une assurance (article 4 de la loi du 18 juillet 2013 qui insère un article 2/2 nouveau dans la loi du 11 mai 2003).

Cette même disposition prévoit que le Roi fixera les modalités et conditions de l’assurance.

L’article 13 de l’Arrêté Royal du 15 décembre 2005, fixant les règles de déontologie du géomètre-expert, impose à ce dernier de couvrir sa responsabilité civile professionnelle par un contrat d’assurances.

L’Arrêté Royal du 25 avril 2007 déterminait les conditions générales de base et garanties minimales auxquelles les contrats d’assurances obligatoires doivent satisfaire.

Cet Arrêté Royal était également très semblable à celui qui concerne l’assurance obligatoire prévue par la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte et daté également du 25 avril 2007.

L’Arrêté Royal du 24 avril 2014 relatif à l’assurance obligatoire prévue par la loi du 11 mai 2003 protégeant le titre et la profession de géomètre-expert a abrogé l’Arrêté Royal du 25 avril 2007 précité.

Les dispositions principales de l’Arrêté Royal du 24 avril 2014 sont les suivantes :

  1.  Tout contrat d’assurance souscrit en vertu de l’article 2/2 de la loi du 11 mai 2003 doit contenir les garanties conformes aux conditions minimales déterminées par l’Arrêté Royal du 24 avril 2014.Cette assurance ne concerne que les travaux exécutés et les prestations fournies en Belgique.

 

2.     Conformément à l’article 4 « est considérée comme assurée toute personne physique ou morale autorisée à exercer la profession de géomètre-expert mentionnée dans le contrat d’assurance, ainsi que ses préposés. Le personnel, les stagiaires et autres collaborateurs d’une personne physique ou morale autorisée à exercer la profession de géomètre-expert sont considérés comme ses préposés lorsqu’ils agissent pour son compte ».

Dans le cas d’une personne morale « sont également assurés, les administrateurs, gérants, membres du comité de direction et tous les autres organes de la personne morale chargés de la gestion ou de l’administration de la personne morale, quelle que soit la dénomination de leur fonction, lorsqu’ils agissent pour compte de la personne morale dans le care de l’exercice de la profession de géomètre-expert ».

L’obligation d’assurance s’étend donc à toute personne qui de près ou de loin, directement ou indirectement est chargée de la gestion ou de l’administration de la personne morale, quelles que soient ses fonctions pour autant qu’elle agisse pour le compte de cette personne morale dans le cadre de l’exercice de la profession de géomètre-expert.

 

3.      La couverture de la responsabilité civile professionnelle ne peut être inférieure aux montants indiqués à l’article 5 de l’Arrêté Royal du 24 avril 2014.

Ces montants sont liés annuellement à l’indice des prix à la consommation.

Certaines exclusions sont limitativement énumérées à l’article 6.

 

4.    Des mesures de publicité sont prévues ; en effet l’entreprise d’assurance doit délivrer au plus tard le 31 mars de chaque année au Conseil Fédéral des Géomètres-Experts la liste électronique reprenant les géomètres-experts ayant conclu un contrat d’assurance. Ce document doit comporter les mentions indiquées à l’article 7 §1 alinéa 1.

L’assureur doit notamment indiquer clairement « l’identité des personnes physiques qui exercent des activités de géomètre pour le compte de la personne morale ».

Les géomètres-experts personnes physiques doivent délivrer au plus tard le 31 mars de chaque année au Conseil Fédéral des Géomètres-Experts l’attestation dont il ressort qu’ils respectent leur obligation d’assurance.

L’assureur et l’assuré géomètre-expert ne peuvent résilier le contrat d’assurance sans en avertir préalablement le Conseil Fédéral compétent, en précisant la date de la résiliation.

Enfin, chaque trimestre l’entreprise d’assurance transmet au Conseil Fédéral la liste électronique des contrats d’assurance résiliés ou suspendus ou dont la couverture est suspendue (article 7 §1).

Par ailleurs, le contrat de travaux ou de prestations doit reprendre le nom de l’assureur du géomètre-expert, le numéro de son contrat d’assurance et les coordonnées du Conseil Fédéral qui peuvent être utilisés dans le cadre du contrôle de l’obligation d’assurance dans le chef du géomètre-expert (article 7 §2).

 

5.    La notion de sinistre est précisée à l’article 7 §3 : « la garantie de l’assurance porte sur toutes les demandes en réparation introduites pendant la durée de validité du contrat pour des dommages survenus durant la durée de validité du contrat ».

Par extension sont également prises en considération les demandes en réparation formulées par écrit à l’assureur dans un délai de 36 mois à compter de la fin du contrat se rapportant au dommage et / ou aux actes et faits définis à l’article 7 §3.

Enfin, les garanties du contrat restent acquises aux assurés qui cessent leurs activités de géomètre-expert et, en cas de décès, à leurs héritiers et ayants-droit pour des faits ou actes accomplis avant la cessation de leur activité ou leur décès pour autant que la réclamation soit formulée pendant la durée de la prescription légale (article 7 §3 in fine).

 

Les dispositions transitoires sont fixées à l’article 9 de l’Arrêté Royal du 24 avril 2014 : le nouvel Arrêté Royal s’applique à tous les contrats de travaux et de prestations conclus à partir du 1er juillet 2014, date d’entrée en vigueur de l’Arrêté Royal du 24 avril 2014.

L’Arrêté Royal s’applique également aux nouveaux contrats d’assurance conclus à partir du 1er juillet 2014.

En outre, l’Arrêté Royal s’applique également aux contrats d’assurance existants couvrant les contrats de travaux ou de prestations dès le 1er juillet 2014.

Les assureurs procèdent à l’adaptation formelle des contrats d’assurance et autres documents au plus tard à la date de la modification, du renouvellement, de la reconduction ou de la transformation des contrats en cours.

 

En ce qui concerne l’assurance on mentionnera encore les articles 12 et 13 du règlement de déontologie tels que fixés par l’Arrêté Royal du 15 décembre 2005 :

Article 12 : « Le géomètre-expert assume à titre personnel sa responsabilité civile professionnelle conformément au droit commun et sa responsabilité contractuelle. Il assume également cette responsabilité pour tout acte professionnel posé dans le cadre des activités d’une ou de plusieurs personnes morales ».

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3.    LA RESPONSABILITE DU GEOMETRE-EXPERT

La responsabilité du géomètre-expert praticien s’apprécie par rapport à son statut, ses activités, ainsi qu’aux dispositions légales et contractuelles qui régissent la responsabilité du géomètre-expert.

1°      Le statut

La profession de géomètre-expert est légalement encadrée ; il convient de se référer à la loi du 11 mai 2003 protégeant le titre et la profession et en particulier les activités spécifiques définies à l’article 3, l’obligation d’inscription au Tableau (article 4), et les règles déontologiques (article 8) ; celles-ci sont relayées par l’Arrêté Royal du 15 décembre 2005.

Une procédure disciplinaire est régie par l’Arrêté Royal du 22 mars 2004.

On observera que lorsqu’il exerce des activités réglementées d’agent immobilier, le géomètre-expert « est tenu de respecter les règles de déontologie de l’Institut Professionnel des Agents Immobiliers » (article 18, 3° de l’Arrêté Royal du 15 décembre 2005).

2°      Les activités

Outre les activités visées aux articles 3 de la loi du 11 mai 2003 et 18 de l’Arrêté Royal du 15 décembre 2005, le géomètre-expert peut exercer une quantité d’activités pourvu qu’elles ne soient pas frappées des incompatibilités visées aux articles 18 et 19 de l’Arrêté Royal du 15 décembre 2005.

Dès lors le géomètre-expert devra se conformer aux dispositions légales ou réglementaires qui régissent ses activités (telles que expertises judiciaires, coordinateur sécurité santé, conseiller PEB, etc…).

On mentionnera également l’intervention du géomètre-expert conformément à l’article 577-4 §1, alinéa 2 du Code civil qui prévoit que l’acte de base d’une copropriété comprend notamment la fixation des quotes-parts des parties communes afférentes à chaque partie privative, cette quote-part étant déterminée en tenant compte de la valeur respective fixée en fonction de la superficie nette au sol, de l’affectation et de la situation de la partie privative, sur base d’un rapport motivé que peut dresser un notaire, un géomètre-expert, un architecte ou un agent immobilier. Ce rapport est repris dans l’acte de base

La responsabilité du géomètre-expert pourrait être engagée dans la mesure où il est invité à fournir un rapport motivé et objectif de la situation, notamment en cas d’inexactitude des calculs qui pourraient entrainer une action en rectification de la répartition des quotes-parts (article 577-9 §6 du Code civil).

D’autre part, les conséquences de ce rapport motivé ont une incidence importante notamment en ce qui concerne la répartition des charges dans les relations entre copropriétaires, mais également en ce qui concerne le prix de vente.

Dès lors, toute imprécision, confusion ou erreur dans la description d’un bien immobilier peut entrainer une situation conflictuelle (cf. le rapport motivé du géomètre-expert J. GERBAUD et J.P. VERGAUWE, Kluwer, p. 26 et suivantes).

3°   La responsabilité 

a.    La responsabilité du praticien résulte des dispositions légales ou réglementaires dont certaines sont d’ordre public, mais également des dispositions contractuelles qui lient le géomètre-expert à son client.

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b.    La responsabilité contractuelle :

  • Le créancier de cette responsabilité est le client cocontractant du géomètre-expert.
  • Trois conditions doivent être remplies pour mettre en cause cette responsabilité, à savoir la faute, le dommage et le lien causal entre la faute et le dommage. Il appartient à la victime de rapporter la preuve de la réalisation de ces trois conditions.

En général le géomètre-expert est tenu à une obligation de moyens ; toutefois dans certains cas, il assume une obligation de résultat si cela résulte de la volonté des parties ou en ce qui concerne certaines prestations telles que le mesurage.

 

Les estimations que fournit le géomètre-expert sont en général soumises à une obligation de moyens.

Par contre la faute la plus légère suffira à mettre en cause la responsabilité du géomètre-expert.

Le travail du géomètre-expert comporte souvent une phase objective et une phase plus subjective ; lorsqu’il procède à un mesurage il s’agit d’une opération mathématique qui, sauf situation particulière, doit être rigoureusement exacte.

Toute erreur de calcul ou de mesurage sera donc automatiquement sanctionnée.

Par contre, lorsque le géomètre-expert fournit un avis ou un conseil, son intervention est forcément plus subjective ; une erreur d’appréciation n’entraine pas forcément la responsabilité surtout si l’expert a pris soin d’indiquer, dans son rapport, les références et la méthodologie auxquelles il a eu recours pour formuler son avis et ses conclusions.

 

  • Outre ces obligations résultant des activités prestées, le géomètre-expert est tenu à un devoir d’information et de conseil. Le devoir d’information se rapporte à tout ce qui est de nature à intéresser le client et qui pourra l’aider à prendre sa décision.

Ce devoir d’information s’étend souvent au-delà des limites strictement techniques de la mission confiée au géomètre-expert et peut comporter l’examen et l’analyse d’éléments ou de documents administratifs ou juridiques.

Bien entendu cette obligation doit s’entendre raisonnablement ; il sera fait référence aux critères du professionnel normalement prudent, compétent et diligent placé dans les mêmes circonstances.

Quant au devoir de conseil, il suppose le traitement des informations et documents recueillis, et l’assistance au client dans la prise de décision.

Ce devoir anime toute la mission du géomètre-expert et doit être exercé en totale indépendance comme le rappellent d’ailleurs les règles déontologiques.

Le cas échéant, le géomètre-expert devra combler son éventuelle incompétence en recourant à la délégation et en s’entourant des conseils et prestations de spécialistes.

Le devoir de conseil relève d’une obligation de moyens, mais la jurisprudence se montre sévère pour considérer qu’il appartient au professionnel de justifier qu’il a rempli son devoir de conseil de façon adéquate et complète.

Ce devoir peut être modulé en fonction de la personnalité du client et notamment de ses connaissances propres.

  •   Le géomètre-expert peut s’exonérer conventionnellement de sa responsabilité par des clauses contractuelles ad hoc mais celles-ci ne peuvent contrevenir à une loi d’ordre public, elles ne peuvent non plus vider le contrat de sa substance ; on se réfèrera à la législation en matière de clause abusive (notamment la loi du 2 août 2002 relative à la publicité trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux contrats à distance en ce qui concerne les professions libérales).

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c.    La responsabilité extracontractuelle

Cette responsabilité concerne les tiers et est fondée sur les articles 1382 et suivants du Code civil.

Le géomètre-expert peut, comme tout prestataire de services, être rendu responsable envers les tiers s’il a commis dans l’exercice de sa mission  une faute qui a lésé un tiers.

Pour apprécier le comportement du géomètre-expert on le comparera à celui du professionnel prudent et compétent placé dans les mêmes circonstances.

« Attendu que l’action engagée par la propriétaire de la parcelle voisine à l’encontre du géomètre-expert est également fondée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil dès lors que ce dernier est, du fait de l’erreur commise dans le tracé de l’implantation, à l’origine de l’empiètement illicite » (TGI Montpellier, 1ère chambre, 12 février 2007, cité par le Code du géomètre-expert, LexisNexis Edition 2013, p. 145).

 

Une décision du TGI Paris 10 septembre 2010, citée par le Code du géomètre-expert op. cit. p. 145, retient la responsabilité d’un géomètre-expert à l’égard des tiers dans le cadre d’une mission d’expert qui avait été confiée au géomètre-expert :

« Le géomètre-expert a d’une part manqué à l’exécution de sa mission en ne relevant pas l’état défectueux des acrotères (fer apparent) ce qui relevait pourtant parfaitement de sa mission et aurait appelé l’attention à tout le moins sur la nécessité d’un diagnostic plus approfondi ;  que de deuxième part il n’a pas mentionné les dégradations dans la cage d’escalier…. Qu’enfin et de troisième part, il n’a pas réalisé un examen de l’ensemble des terrasses …. Ces circonstances qui sont constitutives d’un manquement du géomètre-expert à ses obligations envers son cocontractant sont, envers les copropriétaires et le syndicat des copropriétaires, constitutives d’une faute quasi délictuelle ».

 

 

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d.    L’expert judiciaire

Le géomètre-expert peut accepter des missions d’expertise judiciaire.

Dans ce cas il sera soumis au Code judiciaire et pourra voir engager sa responsabilité extracontractuelle à l’égard des parties au procès.

Celles-ci, en effet, ne sont pas liées par un contrat au géomètre-expert judiciaire, mais néanmoins des fautes dans l’accomplissement de sa mission peuvent leur causer un préjudice fondé sur la responsabilité extracontractuelle.

Il peut s’agir du non-respect des règles procédurales, du non-respect des délais ou d’avis ou conclusions qui ne correspondraient pas à la réalité examinée ou qui méconnaitraient les normes et règles ou techniques au moment de l’établissement du rapport.

 

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e.    Le géomètre-expert salarié

Le géomètre-expert qui preste ses services dans les liens d’un contrat d’emploi, par exemple comme employé dans un bureau spécialisé, une compagnie immobilière, une entreprise de construction est alors protégé par l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail en vertu duquel il ne peut être rendu responsable que pour fraude, faute lourde ou faute légère habituelle.

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f.    La responsabilité pénale

La responsabilité pénale nait d’une infraction à une règle de droit assortie d’une sanction.

Il n’y a d’infraction que si l’acte est expressément visé par une loi ; elle suppose également un élément subjectif ou moral, à savoir la connaissance et la volonté de l’auteur de l’acte punissable.

Outre le Code pénal, il existe de nombreuses lois qui comminent les sanctions pénales ou administratives en cas d’infraction à leurs dispositions ; il y va notamment de lois régionales en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, de gestion et d’assainissement du sol, de la législation en matière de sécurité-santé, de la PEB, etc….

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4.    LA RESPONSABILITE DU GERANT OU DE L’ADMINISTRATEUR DE SOCIETE

1°      Principes généraux

Les organes sociaux (gérants pour les sprl, conseil d’administration pour la s.a.) assument de lourdes responsabilités puisque c’est par eux et à travers eux que la société vit et exerce son activité.

Une fois régulièrement constituée la société dispose d’une autonomie juridique et d’une vie propre et distincte de celle de ses associés et actionnaires.

Dans les sociétés dites « à responsabilité limitée » l’engagement personnel des associés est limité au montant de leur apport.

D’autre part, les organes ne « contractent aucune responsabilité personnelle relative aux engagements de la société » (article 61 du Code des Sociétés).

La société répond donc seule des engagements qui sont souscrits en son nom.La contrepartie de ces doubles protections est garantie d’une part par le capital que les associés engagent dans la société et d’autre part par les obligations et responsabilités diverses que les fondateurs et dirigeants des sociétés assument tant à l’égard des tiers que de la société elle-même.

Il existe donc des situations dans lesquelles les fondateurs ou dirigeants assumeront une responsabilité personnelle.

En ce qui concerne les fondateurs, la loi impose le respect de différents actes et formalités.

Les comparants à l’acte constitutif de la société sont considérés comme ses fondateurs dont les obligations sont solidaires et pèsent indistinctement sur toutes les personnes comparaissant à l’acte constitutif.

Les fondateurs, en effet, sont en quelque sorte les garants vis-à-vis des tiers de la régularité, de la validité et de la sincérité de l’acte constitutif, notamment en ce qui concerne la souscription et la libération effective du capital minimum, la qualité des apports en nature et les mentions de l’acte constitutif.

La responsabilité des fondateurs en cas d’insuffisance du capital social sera engagée solidairement dans une proportion fixée par le Juge en cas de faillite prononcée dans les trois ans de la constitution si le capital était lors de la constitution manifestement insuffisant pour assurer l’exercice normal de l’activité projetée pendant une période de deux ans minimum.

Le plan financier que les fondateurs doivent préparer et remettre au notaire permet de justifier le montant du capital social que la société a constitué.

Les fondateurs peuvent également voir leur responsabilité extracontractuelle engagée à l’égard des tiers pour tout comportement fautif qui ne serait pas expressément sanctionné par le Code des sociétés.

Une fois constituée, la gestion et l’administration de la société est confiée aux gérants et aux administrateurs qui interviennent comme mandataire de la société. 

Les actes qu’ils accomplissent en cette qualité n’engagent que la société.

Cependant, ces mandataires sociaux sont susceptibles de commettre une faute dans l’accomplissement de leur mission.

Si cette faute cause un dommage, soit à la société, soit aux tiers, ils devront être tenus personnellement à la réparation de ce dommage.

A côté des gérants et administrateurs la jurisprudence reconnait également ceux qui exercent des prérogatives en fait et se comportent donc en gérant ou administrateur de fait.

Ceux-ci peuvent également être soumis aux responsabilités qui pèsent sur les mandataires sociaux.

La loi LARUELLE du 18 juillet 2013 vise expressément « de façon plus générale les mandataires indépendants qui interviennent au nom et pour compte de la personne morale » (article 3 §2, 1°).

La responsabilité des dirigeants de sociétés durant la vie de celles-ci est à base de faute prouvée.

Cette faute peut consister :

  1. En la violation d’une obligation déterminée imposée par la loi ou le Code des sociétés, par les statuts ou tout autre réglementation en vigueur (exemple : opération étrangère à l’objet social ou infraction aux dispositions comptables).
  2. La faute peut consister en un manque de prudence ou de diligence que l’on peut attendre du professionnel normalement avisé, prudent et placé dans les mêmes conditions en tenant compte, bien entendu, de toutes les circonstances propres à l’espèce (exemple : omission de souscription d’une assurance).

Certes l’appréciation du Juge demeurera marginale : il convient donc de laisser une certaine marge de manœuvre au mandataire social et le Juge se placera au moment où l’acte a été posé compte tenu de toutes les circonstances de fait.

La victime devra prouver le lien de causalité entre la faute et le dommage.

La décharge ou quitus libère l’administrateur ou le gérant de sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de la société en ce qui concerne la gestion relative à l’exercice clôturé pour autant que le bilan ne contienne ni omission, ni fausse indication. 

La responsabilité des mandataires sociaux peut également être engagée lorsque la société se trouve en difficulté ce qui impose des prises de décisions rapides et adéquates. 

La mise en cause de la responsabilité des dirigeants après faillite peut être engagée par le curateur ou les créanciers individuellement. 

Enfin, en cas de liquidation de la société, les liquidateurs sont responsables tant envers les tiers qu’envers les associés de l’exécution de leur mandat et des fautes commises dans leur gestion (article 192 du Code des sociétés). 

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2°      Responsabilités spécifiques découlant de la loi LARUELLE

La loi du 18 juillet 2013 engage certaines responsabilités spécifiques dans le chef des administrateurs, gérants et mandataires sociaux.

Il y va du non respect des conditions permettant à la personne morale l’exercice de la profession de géomètre-expert (notamment des activités incompatibles).

Les obligations d’assurance doivent être strictement respectées et notamment le paiement des primes d’assurance sous peine de voir engagée la responsabilité solidaire des gérants, associés actifs, administrateurs et membres du comité de direction conformément à l’article 4 de la loi.

Des peines disciplinaires peuvent être infligées à la personne morale mais également aux gérants, administrateurs ou salariés de ladite personne morale.

Enfin les mandataires sociaux veilleront au respect des dispositions de l’Arrêté Royal du 24 avril 2014 concernant les conditions et modalités de l’assurance de la responsabilité civile professionnelle du géomètre-expert.

Sur le plan disciplinaire on relèvera que l’article 10 de la loi du 18 juillet 2013 apporte une modification à l’article 8 de la loi du 11 mai 2003 protégeant le titre de la profession de géomètre-expert de la façon suivante : « lorsqu’une peine disciplinaire est infligée à une personne morale, une peine disciplinaire peut également être appliquée à la ou les personnes physiques mentionnée(s) à l’article 2/1 §2, 1°, ou au(x) salarié(s) inscrit(s) au Tableau en vertu de l’article 2/1 §3 dont l’intervention est à l’origine des faits pour lesquels la personne morale est sanctionnée disciplinairement ».

On notera enfin que « les personnes morales qui exercent la profession de géomètre-expert conformément à la présente loi sont civilement responsables pour le paiement des amendes et l’exécution des mesures de réparation auxquelles leurs organes et préposés ont été condamnés » (article 11 de la loi du 18 juillet 2013).

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5.    LA VIE EN SOCIETE

La pratique professionnelle en société implique la mise au point préalable et le respect de certaines modalités conditions essentielles qui ne se trouvent pas nécessairement inscrits dans les statuts mais qui pourront éventuellement faire l’objet d’un règlement d’ordre intérieur.

Avant de constitue rune société, les fondateurs seront attentifs à certains éléments essentiels, parmi ceux-ci on relèvera :

  1.  L’objet social :   Une société de géomètres-experts ne peut avoir qu’un objet social exclusivement civil.
  2. Les membres :  Comme le souligne la loi du 18 juillet 2013, les membres d’une société de géomètres-experts sont des personnes physiques autorisées à exercer la profession de géomètre-expert à concurrence de 60% des parts ou actions.

Les autres parts ou actions ne peuvent être détenues que par des personnes physiques ou morales qui exercent une profession non incompatible avec l’exercice de la profession de géomètre-expert.

Ils doivent être en outre signalés à la chambre compétente du Conseil Fédéral.

Les associés pourront constituer des catégories d’associés : séniors ou collaborateurs.

Il est essentiel de prévoir les conditions d’admission des nouveaux membres, ainsi que les conditions d’exclusion ou de retrait.

Les règles précises doivent être fixées en cas de maladie, incapacité, retrait, démission ou décès d’un associé.

La faute grave d’un associé entraine nécessairement l’exclusion de celui-ci.

En toute circonstance l’intérêt du client doit être privilégié et garanti.

3.  Les apports :     Les apports s’effectueront en numéraire, en nature ou en industrie.

Les associés décideront la répartition des tâches à exécuter en fonction de la nature de l’affaire à traiter, de son apporteur, des compétences et spécialités des associés, de leur disponibilité, etc….

Il est possible de définir le temps que chaque associé devra consacrer à la promotion de la société, à la recherche de la clientèle, à des activités scientifiques, notamment.

Il convient de prévoir si l’associé est tenu de réserver à la société l’exclusivité de ses activités professionnelles ou si au contraire il est autorisé à fournir des prestations en dehors de la société.

 

4.    Les honoraires :    Pour chaque affaire ceux-ci doivent être déterminés de même que leur répartition en tenant compte des frais.

Les bénéfices de la société qui représentent la recette brute, déduction faite des charges, doivent également être précisés.

Le cas échéant les honoraires d’apport de clientèle ou d’affaires doivent être précisés.

 

5.   Les avantages :    Chaque associé peut ou non utiliser gratuitement les moyens de la société mis à sa disposition et notamment le matériel de bureau, véhicule, etc…

Les associés décideront si la société souscrit ou non des assurances au profit des membres de la société.

 

6.   Responsabilités et assurances :    Les associés doivent déterminer les conséquences des responsabilités qui ne sont pas prises en charge par l’assureur et notamment les franchises.

 

7.    La clientèle:   Les associés définiront les relations avec la clientèle (apport, gestion des dossiers, sort à réserver aux clients et aux affaires en cour en cas de retrait d’un associé ou de dissolution de la société.

Ils préciseront si les clients apportés à la société par un associé conserve ou non la relation interpersonnelle avec ce dernier.

En cas de démission ou de retrait d’un associé, les clients seront invités à fixer leur choix sur le géomètre-expert qui poursuivra la mission ou qui se verra confier d’éventuelles affaires dans le futur.

Il n’est pas inutile de constituer une liste reprenant régulièrement les clients apportés par chaque associé.

En cas de dissolution les associés prendront toutes dispositions utiles pour assurer l’intérêt des clients, notamment en ce qui concerne la poursuite des contrats en cours.

 

8.   Propriété intellectuelle :    Les associés détermineront à qui appartient la propriété intellectuelle.

 

9.    Confidentialité et non concurrence :      Tant au cours de l’existence de la société qu’après liquidation éventuelle de celle-ci, les associés s’abstiendront de divulguer les secrets d’affaires, ainsi que le secret de toute affaire à caractère personnel et confidentiel dont ils auraient eu connaissance dans l’exercice de leur activité professionnelle pour la société.

Les associés s’abstiendront de se livrer ou de coopérer à tout acte de concurrence déloyale, de prester une mission pour des clients de la société, de s’approprier des documents ou papiers d’affaires de la société.

En cas de démission ou d’exclusion, l’associé s’interdit d’utiliser le nom ou le logo de la société et ne pourra conclure d’affaire avec le client de la société qu’avec l’accord préalable de celle-ci.

Il peut être stipulé que l’associé démissionnaire ou exclu ne pourra contracter avec les clients de la société durant un délai à convenir.

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CONCLUSION

La pratique professionnelle par une société titularisée et responsable offre d’indéniables avantages.

Ceux-ci cependant ont un coût.

Il y va notamment de la mise en œuvre d’une architecture structurée de la vie sociétale.

D’autres part les organes de la société ne sortent pas indemnes de toutes responsabilités.

D’autres formule, plus souples le cas échéant, sont maintenues telles que convention d’une société momentanée, convention de collaboration indépendante ou de sous-traitance, création d’une société personne morale mais non titularisée.

Il appartiendra à chacun de choisir la formule qui lui conviendra le mieux.